Emmanuel Macron a annoncé dimanche la dissolution de l’Assemblée nationale. Un coup de tonnerre politique et un pari ultra risqué dans son deuxième quinquennat, après l’écrasante défaite face au Rassemblement National de Jordan Bardella, large vainqueur des européennes en France.
Dans une allocution tenue depuis l’Elysée une heure après les premières estimations, le chef de l’Etat a surpris les Français en décidant de leur « redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote». Les élections législatives auront lieu les 30 juin et 7 juillet prochains, a-t-il annoncé, défendant une « décision grave, lourde ». « Mais c’est avant tout un acte de confiance », a-t-il assuré, alors que le camp présidentiel était déjà en situation de majorité relative et pourrait être contraint à une cohabitation en cas de victoire du Rassemblement National (RN) à quelques jours des Jeux olympiques de Paris.
Cette dissolution est la sixième sous la Vème République, et ne s’est présentée que huit fois en plus de cent ans. La dernière, décidée par Jacques Chirac en 1997, a vu la gauche remporter une majorité des sièges, donnant lieu à la nomination du socialiste Lionel Jospin à Matignon et à la cohabitation.
L’extrême droite « prête à exercer le pouvoir »
Avec 31,5% des voix selon les derniers sondages de l’institut Ipsos, le RN a en effet frappé un grand coup aux européennes, réalisant son meilleur score dans une élection nationale (hors second tour) et va contribuer de manière décisive à la montée en puissance du camp nationaliste et autoritaire au Parlement européen, principal enseignement du scrutin au niveau des Vingt-Sept.
Le Rassemblement national remporte les élections européennes avec 31,5% à 32,4% des voix. [KEYSTONE – THOMAS PADILLA]
« Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance », a lancé Marine Le Pen, triple candidate à l’Elysée. Son « poulain » Jordan Bardella s’était auparavant félicité d’un « désaveu cinglant » pour le chef de l’Etat, l’appelant à la dissolution. Il fait désormais figure de favori pour Matignon.
La liste macroniste de Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue du grand public, est en effet reléguée très loin derrière le RN avec moins de la moitié des voix, soit 14,5%.
Les macronistes semblent néanmoins avoir sauvé la deuxième place, juste devant Raphaël Glucksmann (Parti Socialiste – Place publique) qui remporte 14% des voix, soit plus du double de son résultat de 2019. « Cette dissolution exigée par Jordan Bardella restera une tache » sur la présidence Macron, a souligné l’eurodéputé.
Derrière lui, le parti de gauche La France Insoumise de Manon Aubry améliore son score de 10.1% par rapport aux précédentes européennes. A gauche, les cartes seront assurément redistribuées dans les prochains jours en vue des législatives, alors que l’alliance Nupes bat de l’aile depuis plusieurs mois.
Participation en hausse
Mené par François-Xavier Bellamy, le parti de droite Les Républicains n’a pas réussi à faire mieux que 7,2%, devant la liste Reconquête de Marion Maréchal, un peu au-dessus des 5% nécessaires pour envoyer des députés au Parlement européen.
Grande surprise de l’élection de 2019 avec 13,5% des voix pour Yannick Jadot, la liste écologiste, menée cette année par Marie Toussaint, semble échapper de relativement près rien à la débâcle, avec 5,5%. Celle-ci a regretté une « défaite amère » pour l’écologie « qui ouvre la porte à tous les risques ». Signe d’une campagne qui a suscité plus d’intérêt que prévu, l’affluence aux urnes a encore progressé par rapport à 2019 à 52,5% selon l’Ifop, quand elle s’était déjà affichée en hausse à 50,12%.
Ce surcroît de participation n’a pas pesé sur le score du grandissime favori: à seulement 28 ans, Jordan Bardella confirme son ascension sur la scène nationale en binôme avec Marine Le Pen. Il augmente de près de dix points son score déjà haut de 2019 (23,34%).
Rassembler la gauche
Le premier secrétaire du Parti Socialiste Olivier Faure a invité dimanche la gauche à travailler à un « rassemblement utile » pour les élections législatives de juin consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Le secrétaire national du Parti Communiste Français (PCF) Fabien Roussel a également appelé dimanche les partis de gauche à travailler à un « pacte pour la France ».
De son côté, La France insoumise « ne craint pas le peuple », a proclamé dimanche le fondateur du mouvement Jean-Luc Mélenchon. « Puisqu’il y a une élection, (c’est l’occasion) de réaffirmer très haut et très fort, que quand on est insoumis et insoumises, on ne craint pas le peuple. C’est le contraire », a-t-il affirmé.
« J’en appelle à la jeunesse de ce pays, aux quartiers populaires, à tous ceux qui finalement ont subi les affres de la politique antisociale du gouvernement, j’en appelle à leur mobilisation parce que ce sont les prochaines semaines qui vont être décisives », a déclaré pour sa part sur France 2 l’eurodéputée Manon Aubry (LFI), fraîchement réélue.